L’église de Saint Juin (suite)
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Comme convenu , j’apporte ici des informations complémentaires que je tire du texte écrit par Monsieur Chapeyrou.
L’église de Saint Juin
Commune de lagruère
L’église de Saint Juin a été mise en valeur par une équipe de bénévoles sous la houlette du docteur Chapeyrou, une personne amoureuse de vieilles pierres et Monsieur Serin Pierre, habitant Lagruère ,un homme de terroir qui connaissait bien les lieux et l’histoire.
Je me permets de rappeler l’œuvre de ces deux personnages car grâce à leur ténacité l’édifice est encore présent et fait l’admiration des promeneurs.
Monsieur Chapeyrou a écrit dans la mémoire du fleuve le déroulement des travaux réalisés avec l’aide des habitants du voisinage. Rappeler cet épisode et reprendre les informations qu’il a données ne peut que valoriser son travail laborieux, physique et intellectuel à la fois. Loin de moi l’envie de m’accaparer d’un projet mais simplement le désir de le valoriser à nouveau.
C‘était l‘été 1969. Voici ce qu’écrivait le docteur Chapeyrou :
L‘équipe était en fait de retour après 3 années d‘absence. En 1966, les murs de l’édifice servaient à caler les fagotiers et les paillers du voisinage. Les machines agricoles aussi étaient déposées contre les façades. L’église était complètement ensevelie sous les sureaux et le lierre.
En 1969,l’équipe revenait donc sur le terrain surtout pour vérifier ce qui était écrit dans des documents d’archives concernant cette église. C’est monsieur Serin , inlassable chercheur qui trouva dans les archives municipales de sa commune de précieux renseignements .
Il est dit par exemple que le 4 mars 1818, les membres de la fabrique sous la présidence du maire, Monsieur Lafon de Guillemasse, se sont réunis pour délibérer à propos de la réhabilitation de l’église de Saint Juin suite aux recommandations du sous préfet dans une lettre en date du 18 octobre 1817.
A cette époque, l’église n’était conservée qu’à titre de chapelle . Mais la conservation était demandée par les habitants à cause des tombes de leurs pères et de la cloche qui leur était utile lors des débordements du fleuve. Aujourd’hui , cette cloche qui date de 1687 a été mise en sécurité en l’église Saint Aignan et est inscrite comme objet classé.
Les travaux prévus furent les suivants :
1) on raccourcit l’église de 3 ou 9m (les archives ne sont pas très lisibles) pour la mettre à la longueur de 13m25cm. Les nommés Lagassin Antoine et Cazaubon Jean, charpentiers habitant Calonges, s’engagent à rétablir la chapelle à neuf.
2)On remit une charpente sur le toit ainsi que les murs
3) on bâtit une sacristie de 3M en carré et de 2m75 de hauteur avec une ouverture de 0m75 x 0m40 fermée par un contrevent en feuillure.
La porte d’entrée qui donnait à l’intérieur de l’église fut fermée par une porte faite avec les planchers provenant de la démolition.
4)On rétablit la tribune qui était sous la cloche, le tabernacle , l’autel et la balustrade
5)On recrépit et on blanchit les parois intérieures. On refit le joug de la cloche et on remit la croix .
Les travaux commencèrent par la démolition et la reconstruction du mur de derrière à 3m ou 9m de distance de l’endroit où il se trouvait.
Il fut rétablit dans les mêmes dimensions et épaisseurs, soutenus par 2 arc boutant de 4m au dessus du fondement et de 80 cm d’épaisseur.
Le contrat fut passé le 19 avril et les travaux furent achevés sauf sans doute le crépissage du clocher. Il est à constater qu’aujourd’hui, les murs de cet édifice et la façade du clocher tiennent et que la maçonnerie grossière est toujours là . Le mortier s’y retrouve en quantité. Seul le clocher et quelques contreforts semblent se détériorer.
Les matériaux restant après démolition et travaux furent accordés à titre de salaire aux deux charpentiers qui ne perdirent pas de temps à effectuer tous ces travaux pressés sans doute d’en commencer un autre avec les matériaux de récupération.
L’abside qui fut donc rasée en 1818 était demi circulaire. Elle fut retrouvée et servit vraisemblablement à construire les jambages de la sacristie.
Les murs raccourcis durent être renforcés par deux contreforts et les pierres de taille qui servaient d’étais et sur lesquels reposaient les fermes du bâtiment restaient au moment des travaux entrepris par Messieurs Chapeyrou et Serin intactes sauf les motifs d’un roman archaïque qui ne se voyaient presque plus. Ils furent déposés sur la corniche du mur sud pour conservation.
3 arcs brisés se dessinaient côté nord sur les murs anciens et un au midi. Ils furent dégarnis en 1969 pour alléger la nef et pour couronner les murs et les protéger par une génoise.
Une sorte de cheminée creusée dans le mur sud interrogea les ouvriers. Après réflexion, l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il s’agissait d’une pièce de bois formant armature, dans le mur, réduite en poussière par le temps.
Personnellement , je pense qu’il pourrait s’agir de la cheminée d’un four pour faire cuire les tuiles . Cette hypothèse est tout aussi vraisemblable vu ce qui va être découvert par nos deux compagnons après.
Les arcs ouverts conservaient des plaques d’enduits avec décor ocre rouge.. Ils donnaient sur des bas côtés disparus.
L’église aurait été réduite en largeur et les arcs colmatés comme si à une certaine époque on voulut se protéger d‘éventuels ennemis ou brigands.
Dans les murs apparurent des morceaux de marbre blanc qui dévoilent l’antiquité du site. Encore à ce jour si on observe les murs on voit des colonnes de marbre blanc sans doute apportée d’une villa gallo romaine sise au bourg de Lagruère sur la terrasse ou de Ussubium la ville disparue du plateau de Révenac au Mas d’Agenais. Souvenons nous que les romains envahirent notre contrée en 56 avant Jésus christ et qu’ils s’installèrent sur les sites les plus panoramiques du secteur laissant de nombreuses villas, pièces , poteries et colonnes de marbre blanc et gris .
Enfin une autre découverte allait enthousiasmer les ouvriers. Une brique portait un dessin géométrique tracé d’une main ferme, d’autres portaient des empreintes d’animaux. Sans doute que les briques séchaient sur l’herbe avant d’être mises au four et ces empreintes pourraient venir d’animaux domestiques qui divaguaient .
Il devait donc exister à proximité un tuilier . Mais celui-ci se trouvait à Lamarque . Et si cette cheminée était celle du four dont je soupçonne aujourd’hui l’existence et qui aurait servi à cuire les tuiles empreintes de traces d’animaux ?
Sur une brique figurait une empreinte très profonde de 12cm X 8cm qui fut identifiée comme celle d’une loutre , un animal très recherché à l’époque pour sa fourrure.
Perspectives d’avenir
Il y a lieu maintenant de respecter le travail important qu’ont fait nos prédécesseurs. C’est la raison pour laquelle une nouvelle équipe de personnes motivées, au sein de la section patrimoine du Foyer Rural s’intéresse à nouveau à cet édifice qui sert souvent de lieu d’animations ,en été, notamment pour la célèbre nuit des étoiles filantes.
Mais les dégradations s’accentuent et deviennent dangereuses pour les utilisateurs et les visiteurs. le raconteur de pays qui fait visiter et qui raconte l’histoire de cette église n’a pas toutes les conditions requises de sécurité vu que la génoise par endroit est en mauvais état et que le clocher vient d’être fragilisé suite aux tempêtes récentes.
Le banc des pauvres est très endommagé et les murs souffrent . Le lierre qui joue à la fois un rôle protecteur et un rôle destructeur doit faire l’objet d’une meilleure gestion .Les arc brisés doivent être consolidés et valorisés . Également la sacristie mérite qu’elle soit recouverte et fermée comme autrefois.
Il faut que la consolidation , dans un premier temps puis la restauration dans un deuxième temps de l’église de Saint juin fasse partie d’un projet plus global de mise en valeur de l’ensemble du site.
L’église est sur un terrain communal qui était autrefois le cimetière . Aujourd’hui, même si le Foyer Rural n’a plus la gestion de cet espace dans la mesure où celui-ci a été confié à une autre association
( les jardins de Noé), il n’en reste pas moins qu’il reste partenaire pour l’animation des lieux qui comporte un verger variétal et une haie vive. Deux outils qui permettent avec le petit bois savant , au club connaître et protéger la nature de proposer des prestations de découverte de la faune et de la flore aux groupes scolaires.
Les jardins de Noé va gérer d’une manière écologique l’espace avec taille des arbres et soins biologiques des arbres fruitiers, fauche tardive pour faire réapparaître les plantes et les insectes.
Le club CPN s’orientera plutôt vers l’aspect prestations découverte de la nature et l’éducation à la nature, tandis que la section patrimoine se tournera vers l’aspect consolidation et restauration de la bâtisse. Afin d’accéder à l’église depuis la route il est prévu une aire de stationnement et un chemin d’accès dans le verger jusqu’au parvis de l’église bordé de panneaux relatant l’histoire de ce patrimoine religieux.
Une fois sécurisée cette église peut offrir un lieu d’animation romantique, un véritable théâtre de verdure pour organiser des veillées et de petits spectacles.
Ainsi le nouveau projet mêlera à la fois le côté culturel et cultuel sans oublier l’aspect historique , pédagogique et archéologique.
L’espace tout entier offre qui plus est un lieu de découverte pour la faune et la flore , un terrain d’expérience tourné vers des alternatives écologiques pour la gestion du verger variétal et de la prairie.
Ainsi , le travail commencé par nos deux archéologues , va se poursuivre grâce à la mise en œuvre de deux chantiers regroupant de jeunes étudiants , en principe au mois d’août prochain.
Monsieur Serin qui est encore un ardent défenseur du patrimoine local sera sans doute ravi de constater que la relève est bien là, consciente que cet édifice ne doit pas être abandonné.
Jean marie RICHON animateur bénévole de Nature et Culture au Foyer Rural