Le sauvetage du cochon de Monsieur Antonini

vendredi 30 novembre 2012
par  Jean Marie Richon
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C’était lors d’une grande inondation à Lagruère. je faisais partie de l’équipe des sauveteurs du haut , c’est à dire de l’équipe composée d’habitants résidant sur la terrasse non inondable.Il y avait l’équipe du bas , composée de sauveteurs qui habitaient dans la plaine.

Ils avaient ,eux, les pieds dans l’eau.

Nous étions des privilégiés en quelque sorte ,mais certains d’entre nous trouvaient cette situation injuste et se portaient volontaires pour ravitailler les habitants isolés dans leur maison entourée par les eaux.

Nous intervenions souvent pour rassurer un fermier qui découvrait pour la première fois l’inondation et les peurs qu’elle peut engendrer surtout quand on voit les eaux monter inexorablement et qu’on entend la sirène sonner lugubrement la côte susceptible d’être atteinte dans la nuit.

Heureusement , la plupart des autres sinistrés avaient l’habitude de voir les eaux tumultueuses arriver et entourer leur habitation.Ils n’avaient pas peur et avaient pris leurs précautions bien avant .

Mais une ferme restait silencieuse à nos appels. C’était celle de Monsieur Antonini. Les voisins nous alertaient et nous faisaient savoir qu’il avait été hospitalisé la veille de la crue.

Revenu à quai , en évitant les jambes de maïs qui flottaient à la surface des eaux vaseuses et les courants dangereux,
par téléphone , la fille de Monsieur Antonini nous prévient qu’il y a le cochon à surveiller au premier étage !

Nous repartons vers la ferme surpris tout de même par cette information.Arrivés sur les lieux , en effet , nous apercevons un très gros cochon bien engraissé ,au premier étage d’un grenier à tous vents.Il grognait de peur, les pieds dans l’eau.

Le pauvre ! Il était transi de froid et en était devenu presque tout bleu lui qui d’habitude montrait sa teinte blanche signifiant sa bonne santé.

Il fallait que nous le sauvions d’une noyade certaine car les eaux continuaient à monter à plus de 20cm à l’heure.

Il y avait heureusement dans une partie de la ferme un palier surélevé capable de le protéger d’une énorme crue à condition que nous puissions le hisser à l’aide de cordages .

Nous étions trois seulement pour tenter de sauver cette bête énorme
qui poussait sans cesse des cris de détresse et qui gesticulait pour essayer de se détacher car il faut dire que son propriétaire avait quand même pris soin de lui nouer une grosse corde autour du cou ;

Mais nous remarquions que ce cordage relié à une poutre de la charpente était sur le point de lâcher.

Nous nous approchons avec le bateau de la plate forme où se trouvait le cochon et notre intention évidemment était de le hisser à l’étage supérieur.

Encore plus effrayé, par notre présence voici que l’animal ,pris de frénésie ,accentue ses cris .Ses mouvements devinrent si hystériques que la corde cassa et que le cochon tomba dans les eaux froides de la garonne.

Le cochon allait se noyer c’est ce que nous avons cru et quel ne fut pas notre désarroi face à ce drame.Quelle responsabilité désormais allait reposer sur nos épaules car la bête avait déjà la tête sous l’eau et son poids (150 Kg environ) conforme à un cochon venu, prêt à être tué pour faire une bonne cuisine , l’entraînait toujours plus dans les profondeurs , sous nos regards terrifiés.

Nous nous sentions impuissants et assistions sans rien pouvoir faire, pour l’instant, à une noyade en direct.

Tout à coup , à notre grande surprise , ce cochon dans un dernier effort sortait la tête de l’eau, remontait son corps bleui à la surface et se mit comme un canard à nager , certes maladroitement mais à nager tout de même .

C’était la première fois que je voyais un cochon piquer un cent
mètre ;je pensais franchement que cet animal ne savait pas nager.

Il partit donc vers le fagotier , fit le tour de sa maison , la porcherie, puis se dirigea vers le large .

C’est pas possible ! ce cochon va être emporté par le courant et sa mort est assurée !

A notre grand étonnement , le voici qu’il revient dans notre direction comme s’il avait compris que sa seule issue était l’aide des hommes.

Cette fois-ci nous ne devions pas manquer notre manoeuvre.Le cochon frôla plusieurs fois la coque du bateau, passa même sous la barque et faillit nous renverser ! Il poussait toujours ses cris de détresse ou d"appel au secours.

Avec les cordage nous tentions de l’attraper mais la chose n’était pas facile car le cochon se débattait et nous n’étions pas assez de trois pour le soulever et le maintenir hors d’eau.

Plusieurs fois , nous le relâchions dans les eaux tumultueuses dont le niveau ne faisait que progresser tandis qu’à nouveau nous entendions la sirène annoncer 10 m pour dans la nuit., côte de Lagruère.

Il fallait trouver une solution car cela faisait plus d’une heure que nous la cherchions en vain et nos bras commençaient à perdre force.La fatigue et le froid glacial nous affaiblissaient.

L’animal était toujours vivant , plus bleu que bleu ! bleu de peur sans doute.

Enfin , j’eus une idée qui m’apparut naturelle puisque nous avions tout tenté, c’est d’attraper la bouée de sauvetage .

Quand le cochon qui n’en finissait pas de faire le tour du bateau passa près de moi , j’essayai de lui passer la bouée autour de son cou. mais le bougre , c’est qu’il ne se laissait pas faire et il se mettait à hurler encore plus .

Enfin au cinquième essai , je parvins à la mettre autour de son cou et les copains purent alors le saisir pour le hisser dans la barque.On l’attacha avec de nombreuses cordes pour qu’il ne bougea plus.
Grâce à un palan qui était là , à proximité,comme par enchantement nous arrivâmes à le hisser au deuxième étage .

Alors commencèrent les premiers soins. Avec de la paille sèche nous frottions de toutes nos forces le corps de ce pauvre cochon transi de froid.Peu à peu il retrouva enfin sa couleur d’origine !Il commença à taire ses cris de détresse et comme assagi par le réconfort que nous lui apportions il se tut.

De nouvelles craintes assaillirent nos esprits. Il va mourir ! dit l’un d’entre -nous. C’était ce que je pensais car en plus il se mit tout à coup à gémir . Alors en bons infirmiers que nous étions devenus en ces circonstances nous le frottions avec du foin , énergiquement .Nous le recouvrions de paille et d’une couverture épaisse trouvée pendue à la charpente.

Nous le regardions . Des larmes à mes yeux commençaient à perler.
Nous avons fait le nécessaire dit le capitaine ! il nous faut maintenant aller ravitailler les autres habitants et rentrer .

Au crépuscule , en effet,les obstacles pouvaient nous faire chavirer surtout que le courant se faisait plus violent à certains endroits et que le vent ne mollissait pas .

Toute la nuit je pensais à ce cochon et il me tardait de repartir le lendemain matin pour lui rendre visite.

Ce fut d’ailleurs la même équipe qui embarqua , anxieuse et soucieuse .

Les soins prodigués à l’animal avaient-ils été suffisamment efficaces pour lui éviter la mort ?

Arrivés sur les lieux , la première chose qui nous surprit ce fut le niveau de l’eau qui avait presque atteint le deuxième étage , là où était le cochon de Monsieur Antonini.

Sa fille nous avait téléphoné la veille pour nous demander de ses nouvelles car son père s’inquiétait fort de son sort.

Quand nous sommes montés à l’étage, c’est avec stupéfaction que nous vîmes notre cochon en pleine forme ! Il semblait tout simplement réclamer sa nourriture habituelle que nous nous empressions de lui donner car nous avions prévu une alimentation au cas où nous l’aurions trouvé vivant.

C’etait le cas et je ne vous cache pas que nous étions tous trois heureux et fiers d’avoir sauvé cette bête.

Cet acte de solidarité envers l’espèce animale valait bien d’être narré.

Jean-marie RICHON


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